LONGBOARD FRANCE COM présente un reportage sur Gibus de Soultrait .

LONGBOARD FRANCE

BIG SURF reportage GIBUS DE SOULTRAIT

    HOME                 HISTOIRE  |  MAGAZINE  |  COMPETITION  |  PRO SITES BIG SURF CONTACT
 

INTERVIEW GIBUS DE SOULTRAIT

 

 Gibus de Soultrait directeur de la rédaction de Surf Session et cofondateur de ce magazine en mars 1986 avec Pierre-Bernard Gascogne, est surtout surfeur passionné depuis l’âge de neuf ans mais aussi le co-organisateur du Surf Session Big challenge. Engagé dans le surf de grosses vagues depuis de nombreuses années il nous fait le plaisir de nous rencontrer afin de partager son expérience.

 

M Merle - FX Maurin - Gibus Parlementia été 1968

photo Beaucourt-doument FXM

Comment et quand as-tu commencé à surfer des grosses vagues ?

 La plupart des surfeurs ont un parcours personnel qui les a amenés à surfer des grosses vagues. Le mien est un peu atypique. Lors d’un tour du demi-monde en auto et bateau-stop que j’ai effectué après mon bac pendant deux ans je me suis retrouvé en pleine tempête au milieu du Pacifique. Des vagues de près de douze mètres recouvraient régulièrement le pont du bateau. J’avais 18 ans et j’avais la trouille, mais j’ai été fasciné par le spectacle à la fois grandiose et démoniaque de ce paysage marin. C’est un peu pour retrouver ce rapport privilégié avec   l’océan que je me suis lancé dans le surf de gros. Adolescents, on surfait les Alcyons 2,50m/3 m, puis au retour de ce voyage

 j’ai commencé mon apprentissage du gros en y allant petit à petit. J’étais étudiant à Paris alors mais j’avais un entraînement de piscine qui me maintenait en forme. J’étais régulièrement à Guéthary et donc je surfais pas mal. Mais quand c’était gros, on n’était pas légion.Fin 70’s début 80’s, il y avait Bernard Marcel et son frère Claude, Christophe Reinhardt, Didier Valléreau, Yohan Falsen… puis Bernard Périssé, Christian Plumcocq en kneeboard. Les frères Bérard, Philippe Couchot… nous ont rejoints un peu plus tard. Nous surfions surtout les Alcyons. Les vagues faisaient un gros 3 m pour quelques fois atteindre 3,5Om, avec en général beaucoup de courant. A cette époque, on n’avait pas de quiver, mais une planche pour toutes les vagues, un single fin entre 7’ et 7’4“. Epaisses, elles avaient une bonne rame, mais c’était court sur la vague. Mais c’est avec ce genre de planche qu’on est allé peu à peu découvrir Avalanche. La première fois que je l’ai surfée, c’était l’hiver 74/75, sur la section finale. 

 Surfer Avalanche, c’était souvent une expédition personnelle car il était fréquent de se retrouver seul au line-up. On surfait les Alcyons tout en repérant Avalanche, puis le cœur serré, on y allait. Avalanche ne marche vraiment qu’à partir de 3,50 m. On prenait deux, trois vagues. On bouffait aussi mais chaque fois c’était une expérience très forte, par la puissance de la vague, sa longueur, cette sensation de filer sur un truc énorme, la solitude et l’étalement du line-up… On n’était pas équipé pour se lancer sur les très grosses, mais j’ai un souvenir précis de Bernard Marcel en train d’essayer de partir sur un mur gigantesque, 5, 6 mètres, peu importe. Il avait une 7’ ! Heureusement, il a refusé, c’était suicidaire, la vague a déroulé sous mes yeux magnifiquement. Ça te prend aux tripes et tu revis tout ça dans ta tête et forcément à la prochaine occasion tu y retournes.

 A l’époque il était convenu de dire que des vagues surfables de plus de 4 m n’existaient qu’à Hawaii. On appelait alors Avalanche, la gauche de Cenitz et on parlait jamais de vagues au-dessus de 4 m, mais en fait on était confronté à plus, entre nous on le savait avec ce qu’on voyait passer au line-up. Ce n’est qu’au milieu des années 80 que l’on a commencé à avoir de guns de 8’ et plus, puis à avoir chacun une planche pour le très gros. Ce changement a vraiment lancé le big surf, la vitesse de rame nous permettait d’aller chercher la vague plus au large et donc de partir sur du vrai 4 m et plus. Au début des années 90, on était encore peu nombreux avant d’être progressivement rejoints par une nouvelle génération, Cyril Robert un temps, Pilou Ducalme, puis Peyo Lizarazu, Xabi Lafitte, Stéphane Iralour, les De Sonis… et il y a quatre, cinq ans Yann Kazandjian, un des plus engagés sur le spot. Maintenant, il y a plus de monde, mais c’est la relève des générations, c’est bien. Mais le surf de gros ne peut être un effet de mode ou simplement une histoire de “couillus“. C’est un apprentissage qui demande du respect et où on paie son tribut ! J’y ai laissé plusieurs planches et une épaule…

 

Avalanche photo greg Rebejac

Le surf de gros est peu présent dans la presse spécialisée nationale, peux-tu nous en donner la raison ?

 Etant moi-même adepte de la discipline, j’ai toujours été enclin au sein de Surf Session a relaté le big surf, à Hawaii comme en France. Pour preuve Gary Elkerton, présenté autant à Sunset qu’à Parlementia. De plus les lecteurs aiment le surf de gros, c’est souvent des histoires assez fortes et quand on arrive à bien les retranscrire, ça fait une bonne matière journalistique. Mais c’est vrai qu’il nous est difficile de faire plus de deux numéros par an autour du big surf. 

Ce n’est pas un choix délibéré mais plutôt une conséquence de la rareté des 

swells exceptionnels. Mais justement, ce qui est rare n’est pas banal. Il ne faut pas banaliser le surf de gros ! A partir de 3,50 m/4 m, le surf ce n’est pas une histoire anodine.

 

Le tow in reste-t-il à tes yeux encore du surf ?

Oui, ça reste du surf. Il faut parler franchement, c’est une chose que l’on n’imaginait pas il y a vingt ans. Depuis déjà longtemps les surfeurs de gros avaient compris qu’il y avait une taille limite à la rame que l’on peut évaluer aux alentours de 6 mètres. A cette taille la vague se déplace trop vite et son tiers supérieur devient la lèvre, la partie qui se projette. Le surfeur, quant à lui, n’a pas la vitesse de rame suffisante pour descendre ce premier tiers avant que la lèvre ne le propulse dans le vide. Le fait d’être tracté sur la houle avait été imaginé, mais les premiers à l’avoir vraiment mis en place sont trois surfeurs d’expérience : Laird Hamilton, Buzzy Kerbox et Darrick Doerner en 1993. Il ont commencé avec un Zodiac et des guns normaux pour finir avec des jets et de petites planches à straps, étroites et très lourdes. 

Malgré tout, c’est une autre discipline. Même si le surf tracté permet de prendre plus de vagues et deux à trois fois plus grosses qu’avec un gun, le surfeur est propulsé à grande vitesse sur une ondulation, ce qui réduit fortement la prise de risque d’un take-off où, à la rame, il faut se jeter dans un trou dans une zone où il y a un fort risque de se faire balayer par une série. Je compare souvent le surfeur de tow-in à un descendeur en ski sur la piste de Kitzbühel, en Autriche. Il faut avoir une excellente technique, un mental d’acier face au mur gigantesque de la vague mais aussi une condition physique irréprochable afin de supporter les vibrations, les sauts dus aux clapot, la pression au bottom et conduire des trajectoires parfaites. De plus il ne faut pas oublier que, comme en descente, l’erreur peut être fatale. Un autre aspect important du tow-in, c’est que c’est un surf en équipe.

J’ai encore le souvenir de la seconde session à Belharra, le 10 mars 2003. Je suis parti à la rame regarder le spectacle de plus près. Après une bonne heure de traversée en pleine mer je suis arrivé à côté du spot, c’était grandiose. Je n’avait jamais rien vu de tel. Il régnait une allégresse entre les surfeurs avec des vagues d’une taille inimaginable. Au bout d’une heure, Peyo Lizarazu et Max Larretche se sont approchés de moi et m’ont proposé de me tracter. Bien que j’en avais envie, la raison m’a poussé à refuser. Je n’avais jamais fait de tracté. J’étais dans une autre temporalité en étant venu à la rame. Impossible de me jeter comme ça à Belharra. Cela aurait été une forme d’inconscience. Le tow-in est aussi un long apprentissage graduel, et ceux qui étaient là avaient une bonne expérience du gros et du tracté, ce qui les autorisaient à affronter Belharra. Moi, j’avais vécu mon approche du spot à la rame et c’était déjà une expérience très forte.

 

Antonin "les Sables d'or" hiver 2005-2006 photodesurf.com

Ton fils est au Pôle France, on a pu le voir cet hiver se jeter dans de solides barrels aux Sables. Penses-tu qu’il suivra ta voie dans le surf de gros ?

Je l’espère mais je ne le pousse pas vraiment, ça doit être une démarche personnelle. J’ai juste essayé lors de session à Parlementia de lui faire profiter de mon expérience. Pour le moment comme bon nombre des jeunes surfeurs, il privilégie les vagues tubulaires et les manœuvres, même si son parcours diffère du mien j’apprécie beaucoup l’engagement et la détermination technique qu’il met dans son surf.